From 3 roues vers le monde

Recit: LeDésertDuSudLipez

La traversée du Sud Lipez : San Pedro de Atacama – Uyuni ( 4 Juin – 13 Juin)

Samedi 4 Juin :

Les grands préparatifs ! Après 5 jours à se demander si nous allons traverser le sud Lipez en vélo ou non, et à changer d’avis 10 fois par jour, nous décidons de nous lancer, avec beaucoup d’appréhension. Des nuits à – 25°C dans la tente, beaucoup de vent, des pistes sableuses et caillouteuses sur lesquelles il va nous falloir pousser le tandem qui pèse plus de 120kg, des intersections et des embranchements divers sans aucune indication, un tandem de route pas équipé pour ce genre de traversée, 10 jours d’autonomie en nourriture, soit une quinzaine de kilos supplémentaires, 2 à 3 jours d’autonomie en eau, soit 10 kg supplémentaires, deux équipiers pas forcément habitués à ce genre de traversée… Bref, de bonnes raisons de ne pas le faire. En contre partie des paysages magnifiques et une expérience unique, seuls au milieu du désert. Nous préparons donc le tandem du mieux possible et essayons de penser à toutes les avaries qui pourraient nous arriver, nous réparons le pivot de la remorque, qui a lâché, nous essayons de nous ravitailler et dévalisons 4 boulangeries, nous faisons la lessive pour que tous nos habits soient propres, et enfin nous allons changer l’argent qu’il nous reste pour avoir des Bolivianos, nous ne croiserons aucun distributeur avant Uyuni, soit dans une bonne dizaine de jous. Nous devons aussi comme tout le monde nous occuper de nos impôts car nous ne savons pas quand sera notre prochaine connexion internet ! Histoire de décompresser un peu avant le grand départ, nous allons visiter un observatoire astronomique, chez un Français qui s’est installé ici il y a quelques années. C’est génial : nous observons Saturne et ses anneaux, des étoiles de différentes couleurs, la Voie Lactée, d’autres galaxies, un régal !

Dimanche 5 Juin :

Dès 5h du matin nous sommes sur le pied de guerre. Rangement des affaires, pliage de la tente et armement du tandem. Pour rejoindre le village il nous faut traverser une rivière : toutes les nuits, des barrages sont ouverts pour irriguer ce village désertique et des rivières se forment. La seule façon de la traverser est de monter sur une échelle et de passer sur un minuscule pont en bois, sur lequel une bonne moitié des planches ont été arrachées. Autant dire que c’est impossible avec notre chargement ! Nous nous jetons donc à l’eau. Nous atteignons la frontière Bolivienne, située à 4500m d’altitude. Il fait très froid et le vent souffle. Alors que nous discutons avec quelques touristes s’apprêtant à faire la traversée en 4*4, un renard se jette sur notre sac de pain et le traine sur quelques mètres. Il nous montre les crocs et nous grogne dessus. Il ne sera pas si facile de le récupérer.

Nous commençons les premiers kilomètres de piste jusqu’à la laguna Blanca. Avec ce vent ce n’est pas si facile, même si la piste est bonne. Le décor est superbe.

Nous faisons une pause et nous nous apercevons qu’à cause du vent, nous avons perdu deux gros sacs de pains et des rouleaux de papier toilette… la tuile. Audrey repart en direction opposée sur plusieurs kilomètres, sans succès. Un 4*4 de Suisses s’arrête à notre hauteur pour prendre une petite photo et nous demander si nous n’avons besoin de rien. Ils nous donnent le peu de pain qu’il leur reste et nous repartons. Un quart d’heure plus tard, les voilà revenus avec notre pain, ouf !

Nous nous dirigeons ensuite vers la Laguna Verde, qui est tout simplement magnifique.

Notre progression est de plus en plus difficile à cause du vent, nous pouvons à peine avancer et décidons de nous arrêter quelques kilomètres plus haut, dans des ruines Incas, bien abrités du vent.

Lundi 6 Juin :

Le vent a soufflé toute la nuit et nous avons bien cru que la tente allait finir par s’arracher, nous sommes soulagés que le jour se lève enfin … Il a fait froid mais nous étions bien couverts, il faut dire qu’il reste de la neige par endroit autour de nous. Le vent n’a pas faiblit et les rafales sont impressionnantes, nous ne pouvons pas partir. Nous décidons de profiter autant que possible de cette journée à la Laguna Verde et allons nous promener à pied autour de la lagune. Mais ça reste une réelle épreuve de lutte contre le vent et par moment nous ne pouvons même plus avancer.

Nous rentrons nous mettre à l’abri dans les ruines, en espérant que demain soit plus calme. Une petite tempête de sable s’abat sur la tente, le sable rentre dans l’abside et sur nos affaires... Nous ne regrettons pas d’être restés ici aujourd’hui.

Mardi 7 Juin :

Nous nous levons dès l’aube, prêts à affronter les 35km qui nous séparent de la Laguna Chalviri. Nous n’avons pas le droit à l’erreur car nous savons qu’il n’y a aucun abri avant cette lagune pour nous protéger du vent durant la nuit. Aussi dès 9h tout est plié et nous sommes en route. Les premiers kilomètres nous remontent immédiatement le moral : malgré la piste défoncée, le sable et le fait que ça monte, nous avançons à près de 12km/h ce qui est au-delà de nos espérances. Le vent s’est calmé et il n’y a plus qu’un léger souffle.

En moins de deux heures, nous parcourons les 20 km qui nous séparent du sommet situé à 4800m. C’est le soulagement et finalement nous sommes super contents de nous être lancés dans cette traversée du Sud Lipez ! Après un rapide pique-nique, nous traversons le désert de Dali et ses pierres qui semblent sortir de nulle part. Il n’y a pas réellement de routes mais plusieurs pistes qui partent dans diverses directions, sans aucune indication. L’idée étant de choisir celle qui semble aller dans la bonne direction, mais aussi et surtout celle qui est la moins sablonneuse.

Nous arrivons finalement vers 15h30 à la Laguna Chalviri, sans même avoir eu besoin de pousser le tandem, le bonheur ! Un restaurant borde la lagune et nous sommes autorisés à pousser un table et à mettre nos matelas par terre pour la nuit. A quelques dizaine de mètres, c’est la récompense de la journée : des thermes avec une source d’eau chaude. Nous n’hésitons pas une seule seconde et ni une ni deux nous sommes en maillot de bain. Malgré une température extérieure de 4°C, nous nous jetons dans le bassin naturel et profitons d’une eau à 40°C. Nous avons les thermes rien que pour nous, les 4*4 de touristes étant déjà partis, le rêve. La sortie est un peu plus dure et nous courrons nous mettre à l’abri.

Un autre cycliste, Suisse, allant en direction opposée s’arrête aussi pour la nuit. Ici, pas d’électricité ni de chauffage, seuls quelques panneaux solaires pour la lumière mais au moins nous sommes à l’abri du vent.

Mercredi 8 Juin :

Nous sommes réveillés à 5h par la famille qui s’active pour accueillir les premiers 4*4 de touristes. Chaque jour, les 4*4 arrivent entre 6h30 et 7h et louent les tables du restaurant. Chaque conducteur prépare le petit déjeuner pour ses passagers avec ce qu’il transporte dans sa voiture. Aussi à 6h30 nous devons avoir fait place nette. Il fait encore trop froid pour partir, nous regardons donc avec amusement l’organisation de ces tours touristiques, une véritable petite armée : « - On peut venir prendre le petit déjeuner ? - Non, de 6h30 à 7h, c’est baignade dans les thermes, le petit déjeuner c’est de 7h à 7h20, ensuite vous passez aux toilettes et à 7h30 on repart, OK chicos ? » C’est dans ces moments-là qu’on est content d’être en vélo, enfin ça, c’est avant de savoir la journée qui nous attend… Nous partons vers 8h et malheureusement, le vent est déjà bien levé ! Nous faisons à peine 100 m et la roue arrière est à plat : c’est notre première crevaison du tandem depuis le début du voyage.

Nous reprenons notre route mais le vent est de plus en plus violent, tellement violent que nous ne pouvons plus pédaler. Pour couronner le tout, ce sont 22km de montée qui doivent nous mener à près de 5000m, sur des pistes sableuses et caillouteuses. C’est le cauchemar qui commence mais nous n’avons pas le choix, nous devons avancer et trouver un abri pour la nuit. Le tandem pèse plus de 130 kg et nous devons le pousser, ceci nous demande toutes nos forces combinées. A de telles altitudes, il devient beaucoup plus difficile de respirer et le moindre effort nous essouffle complètement. Le froid, pas plus de 2°C, n’arrange rien. A cause des rafales, nous avons parfois du mal à retenir le vélo qui se couche dans le sable mais nous le relevons aussitôt et continuons à pousser. Nous ne pouvons pas nous arrêter, nous avançons à seulement 3km/h et il nous reste 26 km à parcourir. Pas question de s’arrêter manger. L’inquiétude est là.

Vers 15h, nous atteignons les 5000m d’altitude, il fait désormais 0°C, le vent est toujours aussi violent et nous sommes gelés. Le destin s’acharne, nous crevons une nouvelle fois. Nous avons du mal à réparer car tout s’envole et nos mains sont engourdies. Nous atteignons finalement l’intersection qui mène aux geysers Sol de Mañana (4996m), plus que 6km. Nous savons que nous trouverons un abri là-bas. Nous arrivons enfin et sommes soulagés que cette étape soit finie. Le seul véritable abri que nous trouvons face à ce vent est une maison abandonnée, dont le « rez-de-chaussée » est vraiment sale. Nous nous abritons donc à l’étage, plus propre.

Nous sommes exténués et n’avons qu’une seule envie, se blottir au fond de nos duvets. Après une soupe bien chaude, nous nous mettons dans la chambre de la tente et allumons une petite bougie en espérant gagner quelques degrés. La nuit n’est pas de tout repos, il fait -20°C. Nous dormons avec tous nos habits : 3 paires de chaussettes, 2 pantalons, tee-shirt à manche longue, tee-shirt à manche courte, polaire, veste, écharpe, gants et bonnet ! Nous voilà parés pour la nuit.

Jeudi 9 Juin :

Nous nous réveillons avec le bruit du bouillonnement des geysers qui ont plus d’activité avec le froid matinal. Tout n’est que bloc de glace : le pain, le beurre, l’eau. Heureusement, nous avions mis dans nos duvets une bouteille d’eau pour pouvoir prendre le petit déjeuner et les appareils électroniques pour préserver leur batterie. Le vent est toujours aussi violent et nous décidons donc de rester à l’abri. Nous n’avons pas du tout envie de subir le même calvaire que hier, et tant qu’à faire profiter de ce cadre magnifique, d’autant plus que nos stocks de nourriture nous le permettent. Nous devons juste faire attention à l’eau mais avec ce froid on boit peu. Nous sommes seuls, peu de 4*4 font un arrêt ici car ce n’est pas vraiment sur le chemin. Voici quelques images de notre randonnée autour des geysers :

Vendredi 10 Juin :

La nuit à été encore plus froide que la précédente, - 25°C. Nous nous réveillons avec nos duvets et la toile de la tente couverts de glace. Heureusement, en nous couchant assez tôt et avant qu’il ne fasse trop froid nous avons réussi à emmagasiner assez de chaleur dans nos duvets pour passer la nuit. Avec cette température, la colonne de vapeur des geysers est encore plus haute et plus impressionnante.

Nous partons enfin et les 12 premiers km de piste sont en montagne russes entre 4900m et 5000m.

Puis nous attaquons une belle descente avec une vue magnifique sur la Laguna Colorada.

La piste qui mène au refuge est la plus horrible que nous ayons pratiquée (sable, tôle ondulée et grosses pierres). A notre grand étonnement, nous arrivons dans une sorte de petit village. Nous demandons où se trouve le refuge, et on nous répond que nous sommes au bon endroit. Nous nous installons dans une chambre sans lumière ni chauffage, avec des trous dans les murs et la porte, sur des lits en béton. La nuit promet d’être froide ! Nous comprenons dans la soirée que dans ce village il n’y a en fait que des refuges. Nous sommes seuls jusqu'à 17h quand une véritable armada de 4*4 arrive et assaillit le village. Il y a un véritable contraste entre l’authenticité du mode de vie des habitants et le monde du tourisme qu’ils côtoient. L’industrie du tourisme est très récente et les tours en 4*4 dans la région ont vraiment commencé en 2005. La famille dans laquelle nous sommes habitait dans un village voisin, à une centaine de kilomètres (nous sommes dans le désert !) et élevait des lamas. En 2002, une grosse tempête de neige a tué l’ensemble des animaux et les familles se sont peu à peu tournées vers le tourisme, plus lucratif, et se sont installées sur la route des 4*4. Avec une contrepartie et pas des moindres : dans ce micro-village où vivent une vingtaine de familles, il n’y a pas d’école et les enfants travaillent avec les parents à l’accueil des touristes. L’enfant de 10 ans fait payer l’accès aux « douches » et est debout à 5h du matin pour le petit déjeuner des 4*4…

Le lavage du linge :

Samedi 11 Juin :

Ce matin, nous partons faire le tour de la Laguna Colorada et c’est juste magnifique !

Des centaines de flamants roses se prélassent dans ces eaux de couleur rouge. Nous nous promenons le long de la lagune et les rives sont couvertes de plumes et de traces de pattes d’oiseaux. C’est vraiment superbe.

Nous avons appris qu’il y avait de l’eau au Sud du Salar d’Uyuni et nous ne pouvons donc pas suivre l’itinéraire initial, qui consistait à rejoindre la ville d’Uyuni par le Salar. De plus, ces derniers jours ont été éprouvants et nous avons déjà vu une bonne partie des curiosités du Sud Lipez. Nous décidons donc de nous rapprocher de la civilisation en bifurquant vers l’Est, pour rejoindre plus directement Uyuni. Nous quittons la réserve Nationale Eduardo Avaroa avec un petit pincement au cœur, et attaquons une côte d’une vingtaine de kilomètres comme il en existe seulement sur l’altiplano. Une piste plus ou moins rectiligne, avec une pente constante, alors qu’on a l’impression d’être sur une plaine.

La piste est plutôt bonne, nous faisons une quarantaine de kilomètres et pensons arriver à Quetena mais nous ne voyons aucun village. Nous apercevons enfin quelques bâtiments au loin. Avec un peu de chance il y aura un refuge ou de quoi se mettre à l’abri pour la nuit. Surprise, nous apprenons que sommes au Salar Kapina, autant dire que avons raté une intersection 30 km plus tôt et que nous ne sommes pas du tout là où nous pensions être !

Mais la chance nous sourit : nous sommes arrivés dans une usine d’environ 25 personnes, qui exploite le borate du Salar. Comme l’usine est perdue au milieu de nulle part, le personnel y reste 28 jours et a ensuite 14 jours de repos durant lesquels chacun rejoint sa famille. Une deuxième usine situé à la frontière avec le Chili transforme les extractions grâce à l’energie des geysers. Nous nous installons pour la nuit dans l’infirmerie, qui est plus que sommaire : il y a du mercurochrome et des dolipranes…

C’est l’heure du thé : nous sommes invités avec tous les employés dans le réfectoire, uniquement des hommes à part la cuisinière. Certains aident à éplucher les petits pois. Et nous voilà dans la cuisine, à éplucher 12 kg de pommes de terre, ce qui nous prend quelques heures ! Le travail est énorme : tout est fait avec des légumes frais, le pain est fait à la main et au four à bois et la seule viande, le lama est coupé à la scie à métaux !

Puis c’est l’heure du repas du soir, une assiette de soupe seulement, mais une soupe à la viande de lama, un régal. Tous les bancs sont tournés vers la télé, il faut dire qu’il y a de l’électricité seulement quelques heures, jusqu’à 22h.

Dimanche 12 Juin :

Nous serions bien restés pour la Parilla (barbecue) de lama et la purée maison faite avec les pommes de terre que l’on a épluchées hier mais nous devons reprendre la route. Malgré le fait que nous ne soyons plus sur « la route touristique » du Sud Lipez, les paysages restent magnifiques.

Alors que nous approchons de Villa Alota, et que les paysages deviennent plus monotones, nous décidons de finir en 4*4 afin de rejoindre Uyuni. L’arrivée sur le village d’Uyuni est quelques peu déroutante : nous sommes content d’arriver dans un vrai village après une grosse semaine de désert mais la première vue est une décharge à ciel ouvert. Il y a des ordures de partout. Nous posons nos affaires et allons découvrir le marché local, nous goutons à tout, admirons les tenues traditionnelles des femmes, les tissus colorés. Contrairement à l’Argentine et au Chili, ici le dépaysement est total.

Lundi 13 Juin :

Repos ! Nous ne regrettons pas une seule seconde cette traversée du Sud Lipez et si c’était à refaire nous n’hésiterions pas une seule seconde. Il y a eu des moments difficiles mais aussi des paysages uniques comme on n’en reverra pas de sitôt, un silence absolu, et pratiquement aucune vie. Des images qui resteront gravées dans nos esprits pour longtemps.




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